Calmann-Lévy

Bonjour,

Deux éditeurs à la même adresse ?



Non, un seul : Calmann-Lévy.

Mais Calmann Lévy (1819-1891) était juif. L'entreprise qui porte son nom et qui a été fondée par son frère Michel, est aryanisée par les autorités vichystes pendant la guerre. Elle prend alors le nom d'Éditions Balzac et l'écrivain collaborationniste Henry Jamet en prend la tête. Il y dirigera notamment une revue, La Chronique de Paris, qui publiera entre autres Robert Brasillach, Lucien Rebatet, André Fraigneau ou Georges Blond :   


Source : https://www.cairn.info/revue-la-revue-des-revues-2013-2-page-56.htm

L'enveloppe à en-tête des éditions Balzac qui est présentée plus haut est datée du 10 octobre 1944. L'heure de rendre des comptes ne va plus tarder...

On lira sans doute avec profit (en tout cas, ça l'a été pour moi ) :

- sur l'origine de la maison Calmann-Lévy et sur les aspects architecturaux du 3, rue Auber :

• Gaudard Valérie, 2006. Calmann-Lévy : une maison d'édition de la rive droite dans ses murs, Livraisons d'histoire de l'architecture, 11, p. 51-62.
  https://www.persee.fr/doc/lha_1627-4970_2006_num_11_1_1032
  

- sur le monde de l'édition française pendant la guerre (et sur la manière dont Jamet échappa à la Justice, caché par les maristes marseillais) :

• Mollier Jean-Yves, 2011. L'édition française dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2011/4 (n° 112), p. 127-138.
  https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2011-4-page-127.htm
  

- sur La Chronique de Paris :

• Schmitt Michel P., 2013, La Chronique de Paris. Un rêve de francité nationale-socialiste, La Revue des revues, 2013/2 (N° 50), p. 56-89.
  https://www.cairn.info/revue-la-revue-des-revues-2013-2-page-56.htm
  

Laurent

Merci Laurent pour ces lectures passionnantes, en particulier l'article de J.Y Mollier. La nazification de la vie culturelle était un des aspects évoqués dans l'expo "La Collaboration" aux Archives Nationales (http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/la_collaboration)

Pour continuer dans l'édition, voici une carte du très collaborationniste Jean Fayard (fils de Joseph Arthème Fayard, dirigeant de la maison d'édition familiale et fondateur des revues d'extrême-droite Candide et Je Suis Partout) à l'écrivain Francis Carco :


Francis Carco, un des plus populaires écrivains de l'entre-deux-guerre (Jésus la Caille, Les Innocents, l'Homme traqué) et inventeur du terme "le milieu" pour désigner le crime organisé, est alors réfugié à Nice (visiblement à l'hôtel Plazza) en zone non-occupée avec son épouse juive avant de prendre le chemin de la Suisse jusqu'à la fin de la guerre.

Samuel

Bonjour Samuel,

Super document !

Quant à moi, je reviens à Calmann-Lévy :

Chigwenn a écrit:L'enveloppe à en-tête des éditions Balzac qui est présentée plus haut est datée du 10 octobre 1944. L'heure de rendre des comptes ne va plus tarder...

En témoigne cette enveloppe datée du 29 novembre 1944, le mois suivant donc. Calmann-Lévy refait surface et réintègre ses locaux du 3, rue Auber à Paris. Si l'activité a repris, les enveloppes à en-tête font encore visiblement défaut. Dans l'urgence, de simples enveloppes tamponnées en haut à gauche de la raison sociale de la maison d'éditions font l'affaire :



Entretemps (le 1er novembre), la figurine à l'effigie de Pétain a été démonétisée et un timbre Iris à 1,50 f remplace avantageusement le profil du maréchal antisémite.

L.

Très bel ensemble, c'est très intéressant de pouvoir évoquer ces péripéties en 3 documents!